Hélène Vergnes Atelier

projects

Wilde Stadt - une oeuvre d'helene Vergnes

2023

Mensch. Recht. Kunst. - collective exhibition, BBK Frankfurt (DE)

2022

Die Neuen / Reclaim - collective exhibition, BBK Frankfurt (DE)

2021

Cahiers Jacques Rivière Alain-Fournier - art publication, Paris (FR)

2019-2020

103 fois la route - writing residency, Cabanac-Cazaux (FR)

2018-2022

Ecoprint & botanical dyes - art & material research, (DE, FR)

2015

Dernière soirée avant travaux - art residency & performance, Centre d’Art de Beaulieu (FR)

2014

with Gaëlle Bourges - writing residency & performance, Tours (FR)

2013

La librairie provisoire - art & set design, Centre Wallonie-Bruxelles, Paris (FR)

2012

La (S)cène - performance with Glitch Fiction, Paris (FR)

2012

Bande à part / L’Attente - collective exhibition, Ateliers de Paris (FR)

2011-2012

with Mladen Materic - writing residency, CDCN Toulouse (FR)

2011

I will slow your step - art & design research, ESAA Duperré (FR)

2009

Sasa - performative exhibition with Margot Aurignac, 2009, Centre Pompidou (FR)

5 mars 2021

Douze minutes pour me pardonner ces trente dernières années. Sur le chemin qui mène à l’école, les maisons répercutent des langues que je n’ai pas su prononcer. Ces territoires muets, ces foyers éteints, ces épreuves qui fendent ma route: l’horizon les contient, en de petites constructions qu’une main enfantine a presque renversées.
La petite confond, au loin, immeubles et châteaux; elle appelle: „Princesse, princesse, où es-tu?“ – et je porte un regard meurtri sur la tour. Là s’amoncellent les souvenirs troubles, de ceux qu’on ne peut pas nommer. Je les pousse plus loin, d’une écriture précaire, née de bribes, de vaisselle cassée.

Je voudrais tant corriger.

C’est bien peu, douze minutes, sauf à se répéter. Je chante et déchante et les mots me reviennent. Ce que je n’ai su dire de ce qui s’est décidé. Et puis les routes, les pierres, les gestes. Noms-totems: je crois en la magie du poème, en ses clés. Je n’ai plus peur des refrains, des retours, des redites; peu importe le texte, pourvu qu’on le danse. Économie de paroles, polyphonie qui m’est propre – mes appels se répondront d’une ville à l’autre.

Je remonte la rue et songe à ces meubles renversés. C’était il y a sept ans. Sans doute voulais-je vivre sur la tête; il fallait donc tout inverser. Je cherche encore à combler la perte, du temps surtout. L’oubli noir absorbe de grandes peines – et me tient en dehors. En marge de ma mémoire, je me déplace sur un chemin particulier. Chaque jour je tâte mes extrémités. Épuiser le mouvement, buter sur des limites: voilà mon contour. Tant pis pour les chutes, j’avance.

Je marche avec l’accent, empreinte sublime, et nomme ainsi le territoire. Je me tiens à l’écart des grands axes et des fleuves; je porte en moi la possibilité d’une langue, elle qui existe mais ne vit pas. Je revendique les dialectes, les variations, les voyages
minoritaires. Ceux-ci m’entraînent dans de bas tempos – et rythment mon pas. Lenteur circulaire, ronde puissante – mon je est décentralisé. Mes rituels sont pluridisciplinaires. Sorcière en lutte, mon itinéraire se démultiplie.

Trente trois ans et douze minutes – et l’on se ressemble. Ma parole étrange s’inscrit dans les liens de la communauté. Je trouve le mouvement général, me pardonne les fautes partagées. Il y a tant à écrire. Je joue à l’oreille des vécus familiers: thèmes connus sous l’archet. Maintes fois je recommence. L’air, à l’autre pareil, se fait
un peu différent. Mélodies collectives. Bals atômes.

Je suis arrivée.

Extract from the Diary « 103 fois la route »
Hélène Vergnes